GLYPHOSATE L’IMPOSSIBLE DÉBAT
INTOX, MENSONGES, ET BILLETS VERTS
2e édition
Avant-propos
Un an après la publication de notre ouvrage, une réédition mise à jour s’imposait, tant cette année écoulée fut riche en rebondissements dans cette histoire sans fin.
D’une part, en effet, outre-Atlantique, face à la perspective d’interminables procès auxquels elle risquait d’être confrontée, la firme allemande Bayer a fini par céder à la pression d’une petite dizaine de cabinets d’avocats américains. La stratégie d’intimidation de ces derniers – brandir la menace de dizaines de milliers de plaintes – a donc été payante, puisque le géant de la chimie a posé sur la table une somme de 10 milliards de dollars pour mettre un terme aux litiges en cours. Certes, le propriétaire tout récent de cet herbicide a clairement indiqué que son souci d’obtenir un accord ne constituait en aucune façon un aveu de sa part d’une quelconque culpabilité, mais répondait à une volonté résolue de tourner la page. Une transaction qui ne remet d’ailleurs pas en cause l’homologation du glyphosate aux États-Unis. L’hypothèse émise par l’auteur de ces lignes, selon laquelle le véritable enjeu du glyphosate est d’ordre financier, est donc désormais vérifiée : il s’agit bien d’une affaire d’intox, de mensonges, mais aussi et surtout de « billets verts ».
D’autre part, du côté européen, les études qui se sont succédé ont confirmé qu’une interdiction brutale du glyphosate entraînerait des conséquences dramatiques pour de nombreuses filières. Deux rapports de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), une mission d’information parlementaire et une évaluation comparative menée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ont toutes abouti aux mêmes conclusions, à savoir que « la sortie du glyphosate n’est pas possible sans une mise en péril de l’agriculture française ». Autant d’éléments qui ont sans aucun doute conduit le président de la République à revoir sa copie. Alors qu’il avait auparavant annoncé la sortie du glyphosate pour la fin 2020 au plus tard, Emmanuel Macron souhaite désormais que ce dossier soit traité à l’échelle de l’Union européenne, dans le cadre de la réhomologation de ce produit, prévue pour le courant de l’année 2022. Une échéance qui est déjà plus raisonnable.
Enfin, bien que les antiglyphosate fassent tout leur possible pour apporter la « preuve » d’une toxicité pour justifier la suppression de cette molécule, aucune publication sérieuse n’a encore vu le jour. Il n’y a donc, pour l’instant, rien de nouveau sur les plans sanitaire et environnemental qui nécessiterait son interdiction.
Cependant, le gouvernement français a affirmé sa décision de prendre le leadership d’un groupe de pays favorables au blocage de sa réhomologation. Comme le note la mission parlementaire présidée par Julien Dive, assisté des deux rapporteurs Jean-Baptiste Moreau et Jean-Luc Fugit, « la France dispose de deux années pour défendre une généralisation de l’interdiction de l’herbicide auprès des instances européennes ».
Ne serait-il pourtant pas préférable que la France fasse entendre la voix de la raison, de la « rationalité scientifique et technique », en faisant tout simplement confiance à l’avis des experts diligentés par l’Union européenne, à l’inverse de ce qu’elle a fait en 2017 ? Car construire un futur agricole à la France exige de la part de nos responsables politiques qu’ils s’affranchissent des décisions prises sous la pression de la vox populi. Certes, cela demande un peu d’audace, mais n’est-ce pas précisément une attitude qui n’effraye pas notre président de la République ?